Un nouveau départ lupin

Donovan ne savait pas si Yorwan allait accepter, après tout il ne se connaissait que depuis quelques heures, si peu d'heures qu'elle auraient pues être comptée en minutes. Il venait de finir sa deuxième chope de lait de chèvre quand l'Homme-Fauve finit la sienne, jusqu'à la dernière goutte, et ce n'était pas qu'une expression, il vida entièrement la chope, alliant le geste au bruit. Bruit, qui eut droit à une réaction, le regard des personnes autour. Donovan remarqua le bruit et les regard mais s'en fichait. Il attendait surtout la réponse de son compagnon de boisson.

Yorwan posa sa chope, s'essuya le menton et se leva. Il mentionna une auberge avant rappeler à Donovan qu'il devait payer en partant. Donovan lui répondit avec un sourire. Il se leva, prit les deux chopes et les emmena au bar. Il en profita pour payer les 4 consommations. Il était rassuré de voir qu'il avait assez d'argent pour payer et qu'il lui en restait encore. Enfin il suivit Yorwan dehors, là où la nuit régnait.

Donovan adorait la nuit, elle était calme, et elle lui permettait de voir le ciel étoilé, quelque chose qu'il trouvait passionnant. Une étoile, puis une autre puis une autre, et voilà plein d'étoiles, si jamais il les liait il aurait vu une forme qui correspondait à une constellation.  Il lui arrivait parfois de se demander si quelque part dans le ciel, quelqu'un ou quelque chose observait son Soleil en se demandant la même chose.

Voyant que son guide l'attendait il quitta ses pensées stellaires.

" Pardonne-moi, moi et l'espace c'est presque une aussi grande histoire d'amour qu'entre moi et les loups, ou moi et le feu." dit Donovan en ayant un sourire timide.

" En tout cas c'est très gentil de prendre de ton temps pour m'emmener à cette Auberge." ajouta-t-il avec un sourire qui se voulait reconnaissant

Ils se mirent en route. Leur promenade nocturne commença par la traversée d'une rue que Donovan considèrerait de coupe-gorge. Cette ruelle, sombre, étroite, puant l'urine et les déchets ne montrait rien d'autre que le contraste entre les portes blanches immaculées de la cité et l'obscurité totale de certaines voies citadines. Donovan devait bien admettre qu'il n'était pas serein de se balader de nuit dans une ruelle comme celle-ci. Heureusement, ils quittèrent l'endroit pour se trouver sur une Grand' Place. Un endroit qui semblait familier à Donovan puisqu'il vit à sa gauche deux immenses portes blanches et closes indiquant l'entrée de Sinastra.

Donovan observait ces immenses portes de bois lorsqu'il fut interrompu par Yorwan qui lui montra un panneau de bois. Il annonça à Donovan qu'il ne pouvait pas avoir l'orgueil de prétendre ce qui serait bien pour le jeune mage mais qu'il pouvait lui montrer ce qui semblait être un panneau d'affichage. Donovan remarqua qu'avec le temps l'Homme-Fauve se montrait de plus en plus aimable. Le jeune mage savait bien que sous ses apparences un peu rustres se cachait une bonne personne sympathique.

Le panneau qu'il lui indiquait arborait sur le dessus une phrase peinte, " Offres d'emploi". L'Homme-fauve avait raison, s'il cherchait du travail c'était sûrement ici qu'il devrait chercher. Mais, Yorwan calma immédiatement la joie secrète et intérieure du jeune homme en lui précisant qu'il devrait apprendre à mieux connaitre la cité avant de foncer tête vers des quêtes. C'était un conseil avisé que venait de lui donner son guide. Il ne connaissait absolument rien à cette ville, il n'avait pas encore d'endroit où loger.

" D'accord, merci beaucoup de me faire une visite si complète des lieux, c'est très aimable de ta part Yorwan, je te revaudrai ça à l'avenir!" Dit-il d'un ton enjoué

Il était redevable à Yorwan pour le moment qu'il avait passé. Cet homme lui ouvrit la porte, l'emmena à la taverne, lui fit visiter et là, il prenait de son temps pour guider Donovan à travers la ville. Dans l'esprit du mage, il était sûr qu'il était toujours redevable à Yorwan, ce n'est pas avec deux pauvres chope de lait qu'il pouvais remercier autant de service.

"Et toi sinon? Tu es souvent en ville? Tu vis ici? Loin de moi l'idée de vouloir obtenir des informations qui ne me regarde pas, j'avoue que je te pose des questions aussi banale pour faire un peu la conversation pendant notre marche."

L'homme-fauve s'était remit en marche. Délaissant le Panneau d'affichage et ses offres d'emplois, il traversa la Grand'Place, comme ils l'avaient fait quelques heures plus tôt. De nuit, les lieux étaient vides et seul le clapotis des eux de la fontaine répondait aux hululement des oiseaux nocturnes.
Cette fois-ci, ils ne prirent pas le passage couvert du Tribunal. Le laissant à leur droite, ils franchirent un mur d'enceinte pour se retrouver dans la partie Sud du Quartier Commerçant. Ici les pavés étaient à peu près propre, les maisons petites mais bien entretenues et les rues étaient assez larges pour laisser passer une charrette. D nombreuses échoppes, fermées à cette heure tardive, s’alignaient, séparées uniquement par les habitations des commerçants.

- Oh moi... Répondit Yorwan après un moment d'hésitation, Je suis un nomade. C'est vrai que je viens souvent en ville, pour vendre du gibier, boire un verre de lait ou rencontrer des amis, mais... je suis un homme-fauve. Je n'appartient pas à la ville mais à la forêt. Même si, de temps en temps, j'aime bien profiter de la chaleur d'une cheminée, rien ne vaut, pour moi, une nuit de chasse dans les bois.

Cela ne le dérangeait pas de délivrer ce genre d'informations à un nouveau venu. Après-tout, il était de notoriété publique que l'homme-fauve, bien que sociable, était un solitaire marginal qui passait plus de temps dans la nature qu'en ville. Il ne précisa cependant pas qu'il s'était établi dans une grotte, quelque part au fond des bois. Il aimait la liberté et l'indépendance et n'était pas prêt à voir du monde débarquer dans son "chez-lui".

- Tiens, c'est là, on arrive. Dit-il soudain après quelques minutes.

Ils n'avaient pas eu à marcher longtemps car l'Auberge du Soleil, pour des raisons commerciales évidentes, n'était pas loin de la Grand'Place. Située dans une rue passante, entre une boulangerie et un maréchal-ferrant, elle présentait une façade avenante, même en pleine nuit. Son mur de pierres blanches et beiges était percé de fenêtres à intervalles réguliers. Celles du bas, larges et hautes, donnaient sur ce qui semblait être une salle à manger faiblement éclairée. Celles de l'étage, plus petites afin de préserver l'intimité des clients, se composaient d'un cadre de bois sur lequel avait été tendu un papier huilé, laissant apercevoir, par endroit, la lueur tremblotante d'une bougie.
Yorwan se dirigea vers la porte de bois bleue claire au dessus de laquelle une enseigne métallique représentant un soleil se balançait en cliquetant dans le vent. Il frappa une fois et, sans attendre de réponse, souleva le loquet et passa la porte.

- Entre. Dit-il à son compagnon avant de refermer la porte derrière eux.

Ils se trouvaient dans un hall chaleureux et avenant. Derrière un long comptoir de bois clair pendaient une dizaines de clés. Un lourd registre trônait en son milieu, ouvert sur une page à demi-remplie. En fac du comptoir, sous une fenêtre donnant sur la rue, un petit banc de pierre attendait les clients fatigués. La pièce était éclairée avec simplicité, par une bougie posée à côté du registre, et deux autres dans des niches du mur.

- On va attendre là. Déclara Yorwan en allant s’accroupir dans un coin.

Donovan et Yorwan quittèrent la Grand'Place. La ville était obscure et sombre. Tout était fermé, pourtant la ville vivait toujours. Que ce soit par les gens dans la rue ou les rayons de lumière qui passaient par les interstices des volets. Donovan n'avait jamais vu ceci avant, bien sur dans son village les gens veillaient tard mais dans une ville comme cela on pouvait trouver de tout.

Alors qu'il passait devant une boulangerie où un homme se tenait au mur, sûrement un client de la taverne, Donovan leva les yeux pour un petit spectacle. A l'étage de la bâtisse on pouvait voir deux silhouettes, un homme grand et de stature imposante et en face de lui une silhouette qui semblerait être celle d'une jeune femme, frêle, petite. L'ambiance là haut ne semblait pas être au beau fixe. On pouvait entendre tous types de remarques et de noms d'oiseaux. Donovan se demanda ce qu'il ferait si l'un des deux "tombait" par la fenêtre. Il serait très certainement abasourdi par la chute de personne de si haut. Mais il ne préférait pas perdre trop de temps à observer cette dispute conjugale.

Il manqua de tomber lorsqu'il tapa dans quelque chose qu'il n'avait pas remarqué, Eldurulfur. Il était apparu sans que Donovan ne s'en rende compte. Il se rattrapa tant bien que mal à une gouttière. Il lança un regard à son louveteau, lui sourit et reprit sa marche. Alors que le louveteau s'habituait à l'obscurité, chancelant, hésitant à chaque pas Donovan suivait Yorwan qui lui racontait qu'il était plutôt du style nomade.

Ils arrivaient devant la porte de l'Auberge. Un bâtiment à la porte bleutée au dessus de laquelle se trouvait une enseigne qui bougeait avec le vent. Yorwan entra, laissa entrer Donovan et ferma la porte.

Cette auberge aux de hall d'accueil était éclairé stratégiquement pour que l'on puisse tout de suite se diriger vers le comptoir sur lequel était disposée une bougie. Donovan regarda son louveteau

"Je ne pense pas qu'il accepte les animaux, il vaut mieux que tu rentre" Dit-il à son cher louveteau

Aussitôt avait-il fini sa phrase que l'animal avait disparu.
Donovan se rendit aux côtés de Yorwan, s'adossa au mur.

Ils attendaient depuis quelques minutes dans le silence et la lumière mouvante des bougies lorsqu'un homme en redingote et gants blancs apparut. Il se dirigea vers le comptoir et consulta le registre d'un air absorbé. Après quelques secondes, une plume à la main, il leva les yeux du gros livre, comme pour réfléchir, et sursauta.

- Mais... Comment... que... Balbutia-t-il, visiblement surpris de la présence de l'homme-fauve et de son acolyte.

Puis il se reprit, retrouvant une attitude professionnelle. Il inspira par le nez, tira sur le bas de sa redingote et plaqua un sourire aimable mais froid sur son visage.

- Excusez-moi messieurs, je n'attendais plus vraiment de clients. Que puis-je faire pour vous ? Demanda-t-il d'un ton mielleux qui ne plut pas du tout à Yorwan.

L'homme-fauve se releva, plia une ou deux fois les genoux pour redonner de la souplesse à ses jambes et s'approcha du comptoir. il avançait à pas lents, mesurés, son regard fauve fiché dans celui de l'homme. Dès qu'il tournait ses yeux gris vers Donovan, les pupille fendues le suivaient. Et Yorwan avançait toujours d'un pas lent. Le pas du chasseur sûr de lui, conquérant, prêt à cueillir sa proie paralysée par la peur.
L'homme à la redingote déglutit bruyamment et Yorwan sourit en voyant sa pomme d’Adam se soulever et s'abaisser. La lumière des bougies fit luire ses crocs dans la semi-obscurité de la pièce. Il voyait la sueur perler sur le front de l'homme et couler lentement le long de son front, jusqu'à son menton.
Il vint se camper juste devant lui, à un pied à peine du comptoir derrière lequel se tenait Monsieur Redingote qui avait, malgré lui, reculé de quelques pas.

- Z'êtes qui vous ? Demanda abruptement et sans aucun tact l'homme-fauve en levant les yeux sur l'homme. J'vous signale que c'est Lyna, la proprio ici ! Ajouta-t-il.

- Je... je m'appelle Wilson. Répondit l'autre d'un ton qui se voulait ferme bien que sa voix tremblait.Je sais bien que cette Auberge appartient toujours à Dame Lynaëlle... pour le moment... mais le Conseil de la Cité à fait appel à moi pour gérer l'établissement en son absence... et en attendant la revente. Je... je suis donc ce qu'on pourrait appeler un... gérant par Intérim.

Yorwan leva sur lui un regard mauvais, un regard destiné à sonder celui de Wilson. Mais il dû se rendre à l'évidence. L'homme était bien trop effrayé pour lui mentir. Il soupira et s'éloigna d'un pas, ce dont Wilson lui sembla gré.

L'homme-fauve était... surpris ? Non. Cela faisait tellement longtemps que Lynaëlle avait disparu qu'une stèle lui avait été érigée au cimetière. Il était alors compréhensible et même logique que le Conseil de la Cité cherche un repreneur pour l'Auberge du Soleil, le meilleur établissement de la ville. Yorwan avait même entendu dire qu'une annonce avait été postée au Comptoir.
Cependant, penser à un possible changement de propriétaire, en comprendre l'utilité et se retrouver -presque- devant le fait accompli, étaient deux choses différentes et Yorwan en ressentit un pincement au cœur.

- Que puis-je faire pour vous ? Répéta Wilson derrière son comptoir.

Yorwan adressa un regard à Donovan et lui fit signe de le rejoindre.

- Mon ami, ici présent, aurait besoin d'une chambre pour la nuit... avec petit déjeuner compris. Répondit Yorwan sur un ton badin, comme si rien ne s'était passé auparavant. Cependant, il se trouve qu'il vient d'arriver en ville et n'a pas de gros moyens... du moins pas en monnaie Sinastrienne.

- Nous somme une Auberge reconnue et acceptons tous types de monnaie. Déclara l'homme à la redingote d'un air suffisant.

- C'est une très bonne chose, Wilson. Une très bonne chose. Lui dit L'homme-fauve avec un regard en coin. Vous avez donc quelque chose pour mon ami ?

L'homme jeta un regard à Donovan avant de consulter le registre, faisant courir un doigt maigre sur les lignes écrites n pattes de mouche.

- Hum... Oui, je crois que la chambre 4 est disponible. Je pense qu'elle vous conviendra. Dit-il en cherchant du regard l'approbation de l'homme-fauve qui acquiesça. Quel nom dois-je indiquer dans le registre ? Demanda-t-il alors, plume à la main, à Donovan.

Les animaux ?!
Ils débarquaient à une heure complètement indue dans le meilleur établissement de la ville, sans prévenir et sans aucune réservation, et tout ce qui inquiétait Donovan était de savoir si les animaux étaient acceptés ?! Voilà qui dépassait complètement l'homme-fauve. D'abord, il y avait d'autres priorités et ensuite, il ne voyait pas l'intérêt d'enfermer un animal dans un bâtiment humain. Les animaux étaient fait pour vivre libre, dans la nature et non enfermés dans une chambre d'Auberge.
Yorwan soupira. Le nouveau gérant de l'Auberge semblait disposé à laisser Donovan y passer la nuit, ce qui n'était pas gagné d'avance. Et voilà que la jeune homme demandait à y faire crécher le loupiot qui le suivait partout. Tiens... où était-il passé d'ailleurs ? Yorwan regarda autour de lui, à la recherche de l'étrange boule de fourrure qui collait aux basques de son camarade.

- Euh... de... de quel genre d'animaux parlez-vous messire ?Demanda alors Wilson en se grattant le front de sa plume.

Il avait l'air embêté, gêné, et n'osait regarder l'homme-fauve en face, se contentant de lui jeter des regards à la dérobée.
Yorwan mit quelques minutes à comprendre les pensées qui assaillaient l'homme, mais quand il eut réalisé, son poil se hérissa et il dû se faire violence pour ne pas sortir les griffes.

- C'est moi que vous prenez pour un animal ?! Demanda-t-il à Wilson d'une voix sourde.

Il s'était approché de quelques pas et regardait l'homme par dessous, à une coudée à peine, ses yeux fauves rétrécis par la colère.

- Dans "homme-fauve" il y a homme. Déclara-t-il lentement en détachant bien les syllabes. Si j'étais vous, je ferai bien attention à ce que je dis car il se pourrait que je vous fasse découvrir mon côté "fauve".

Les yeux jaunes de Yorwan restèrent de longues secondes plantées dans le regard effrayé de Wilson. Puis, avec un sourire satisfait, il s'éloigna de quelques pas, faisant semblant d'admirer les murs de pierre blanche.
Il revint vers Donovan et se planta à ses côtés et adressa un sourire de circonstance au pauvre homme tremblant qui n'osait bouger.

- Bien... nous disions donc... Une chambre avec petit déjeuner pour mon ami Donovan Draconile.

- Euh... oui... heu... tout de suite, messires. Répondit le gérant en saisissant de nouveau sa plume. Il fit courir un doigt tremblant sur les lignes du registres puis écrivit le nom de son client dans une colonne libre.

- Qu... Quand souhaitez-vous payer messire ? Demanda-t-il à Donovan en essayant d'ignorer l'homme-fauve debout à ses côtés. Par avance ou en fin de séjour ?

Yorwan lui répondit d'une petite tape dans le dos.
Maintenant que le nom de Donovan était inscrit dans le registre, l'homme-fauve affichait un petit air satisfait qui aurait sûrement mis en rogne le gérant par intérim de l'Auberge si celui-ci avait osé lever les yeux. Cependant, l'homme en redingote se contentait de faire son travail, s'adressant poliment à son client et ne jetant que de furtifs regards à l'homme-fauve.

- Voilà, messire. C'est noté. Je vous propose de prendre la chambre n°7. Elle est bien située, côté cours et bénéficie d'un bel ensoleillement le matin et le soir. J'espère qu'elle vous plaira.

Wilson avait adopté un ton affable, désireux de faire plaisir à son nouveau client et surtout, de ne pas mettre à nouveau en colère son... étrange ami. Après une journée à essuyer remarques, critiques et commentaires en tous genres de la part des habitués, il avait finit par comprendre qu'il ne pourrait jamais totalement remplacer Dame Lynaëlle. Mais il n'avait pas le choix. Il avait été désigné par le Grand Conseil et on ne disait pas non au Grand Conseil. Il avait alors fait de son mieux, répondant aux critiques par un sourire poli. Il s'était dit qu'une fois sa journée terminée, il pourrait enfin se détendre, penser à autre chose et se préparer au lendemain... mais non ! Il avait fallu que ce Donovan et son... "ami" vienne chez lui. Il n'en pouvait plus ! Il ne voulait qu'une seule chose : qu'ils disparaissent de sa vue.

Comme s'il avait entendu ses pensées, Yorwan saisit le bras de Donovan et le tira vers la porte donnant sur la grande salle de l'Auberge.

- Allez viens ! Je t'emmène à ta chambre. Vous inquiétez pas !Ajouta-t-il en se tournant vers Wilson. Pas besoin de nous montrer le chemin, je connais cette auberge comme ma poche !

Il traina alors son camarade à travers la grande salle à manger, seulement éclairée, à cette hure tardive, de quelques bougies le long des murs. A l'autre bout, se trouvait un escalier de bois sombre qu'ils empruntèrent, les marches polies et usées craquant sous leurs pas. Arrivés au premier étage, Yorwan tourna à gauche, compta les portes, fit quelques pas de plus, s'arrêta, l'air hésitant puis se dirigea finalement vers la porte n°6.

Une erreur ?
Yorwan passa une main hésitante dans sa crinière rousse, son regard faisant des allées et retours entre la porte et Donovan. Se pourrait-il qu'il se soit vraiment trompé ? Il lui avait pourtant semblé que le compte était bon. Il eut soudainement envie de repartir de l'escalier pour compter à nouveau les portes, mais la présence de Donovan à ses côtés l'en empêchait.
Sa main descendit de sa crinière à son menton, puis remonta à ses cheveux. Voilà qu'il hésitait. Et soudain, une pensée lui traversa l'esprit. Son camarade avait-il deviné son trouble ? Il se sentait bien moins à l'aise tout à coup.

- Ah bon ? Lâcha-t-il alors sur un ton faussement détendu. La chambre 6 ? Vraiment ? Je ne comprends pas. J'étais pourtant sûr d'avoir bien compté.

Alors qu'il disait ces mots, l'homme-fauve réfléchissait à toute vitesses. Puisque 6 était à côté de 7, alors, la chambre qu'ils cherchaient devait, en toute logique, se trouver à côté de celle-ci. Mais de quel côté ? Il se tourna pour aviser la chambre de gauche puis celle de droite avant de se frotter la nuque, d'un air embêté.

- Eh bien... la chambre 7 doit être.... Commença-t-il d'un ton hésitant.

Il ne pouvait quand même pas avouer à son nouvel ami qu'il ne connaissait pas ses chiffres.

Pour la première fois, Donovan voyait du doute dans les yeux de Yorwan. Est ce que ce dernier était fatigué?

Donovan en doutait, il pensa que c'était peut-être une simple erreur mais il ne voulait pas froisser son ami donc il se mit à penser à un moyen de trouver ce qui s'était passé. Il ferma les yeux, respira et les rouvrit. Il regarda son ami, ce n'est pas du doute seul que Donovan ressentait de l'incompréhension, il ne savait pas. Qu'est ce qu'il ne savait pas? Quand avait-il fait son erreur ou quelle était son erreur? Il semblait hésitant et tout portait à croire qu'il souhaitait de tout coeur que Donovan termine sa phrase.

Donovan commençait à comprendre Yorwan, il ne savait pas peut-être qu'il confondait sa gauche et sa droite, où alors les chiffres. Mais cela n'était pas un problème pour Donovan. Pour qui se prendrait-il de juger ou de m'être dans l'embarras son ami?

Alors il tenta de prendre le ton le plus sympathique et compréhensif et s'adressa à l'Homme-Fauve.

" Ecoutes, tu as dû faire une erreur, c'est rien, la chambre 7 est juste ici" dit-il en pointant la porte numérotée 7 du doigt.

"En tout cas, c'est très gentil de ta part d'accepter de m'aider, tu peux être sûr à 100% que je te revaudrais cela. Si jamais tu as besoin d'un service n'hésite pas à me demander."

Il affichait un grand sourire, il ouvrit la porte et laissa place à Yorwan
"A toi l'honneur"

Yorwan fixa d'un air morne la porte que lui indiquait Donovan.
Étais-ce bien celle là ? Sûrement. L'homme avait dû recevoir une véritable éducation et devait sans aucun doutes être capable de reconnaître un chiffre d'un autre. Il haussa les épaules. Après-tout, les hommes-fauves n'étaient pas connus pour leur intelligence ou leur culture.

-Tu peux être sûr à 100% que je te revaudrais cela. Si jamais tu as besoin d'un service n'hésite pas à me demander. Dit alors Donovan derrière lui.

Yorwan se retourna, une lueur dans les yeux, un sourire en coin dévoilant un croc luisant. L'homme-fauve avait beau être un éternel solitaire, indépendant et méfiant de nature, la promesse de son camarade n'était pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Il la rangea dans un coin de sa mémoire et se promit de s'en souvenir si l'occasion se présentait.

A l'invitation de Donovan, il pénétra le premier dans la chambre.
Avec la nuit déjà tombée, il y faisait sombre et plutôt frisquet. La pupille de ses yeux fauves dilatée dans l'obscurité, Yorwan inspecta les lieux. À côté de la cheminée froide et éteinte se trouvait un tas de bûches et un fagot de bois sec. Sur le mur opposé, une torche neuve attendait dans son applique que l'on vienne l'allumer. Le sol était recouvert d'une natte de roseaux fraichement coupés. Au dessus du grand lit, propre et recouvert de draps crème et d'une couverture de laine, des tentures bleues égayaient les murs de pierre blanche. Derrière la porte se trouvait une petite tablette sur laquelle reposait un broc d'eau et un linge propre. Enfin, sous le lit, on pouvait distinguer le coin d'un coffre de bois.

- Eh bien... Le vieux s'est pas fichu de nous. S'exclama Yorwan.Cette chambre est bien l'une des plus belle de l'Auberge.

Disant cela, il ne se rendait pas compte que la chambre était encore dans le noir.

Yorwan sourit. En voilà un garçon bien élevé, poli et charmant, comme il ne le serait jamais.
Il eut lors une pensée furtive pour Maglor et le fameux livre de bonnes manières qu'il lui avait offert pour Noël, il y a plusieurs années. Il ignorait où se trouvait le vampire maintenant mais il ne faisait aucun doutes que s'ils se croisaient à nouveau, là, maintenant, tout de suite, son vieil ami serait déçu de voir que l'homme-fauve ne semblait pas avoir tiré grand chose de son cadeau. Et pourtant, il avait essayé. Malgré son niveau de lecture, il en avait déchiffré plusieurs chapitres dont "L'art de se faire des amis", "Savoir dire non poliment" et "La goinfrerie en société", mais s'il était capable de se souvenir de la leçon, il en allait autrement lorsqu'il devait l'appliquer en contexte. Il en était venu à la conclusion, certes un peu simpliste, mais tellement logique, que son cerveau d'homme-fauve n'était pas fait pour la politesse et les bonnes manières.

Il se dirigea vers la cheminé, mais, ignorant la table posée là par Donovan, alla s'assoir en tailleur devant la cheminée. Sentant avec délice la chaleur des flammes lui réchauffer le dos, il soupira d'aise. Voilà qui terminait à merveille une bonne journée de chasse doublée d'une rencontre sympathique. A la lumière mouvante du feu, il examina une nouvelle fois ses blessures. Celles-ci semblaient en bonne voie de guérison, propres et nets, ni trop rouges, ni trop suintantes. Il hocha la tête l'air satisfait. Après une bonne nuit de sommeil, elles commenceraient à cicatriser et il pourrait alors se remettre en chasse. Cette pensée fit naitre un sourire lumineux sur ses lèvres tandis qu'une étrange lueur brillait dans son regard.

- J'espère qu't'as pas trop faim. Lança-t-il à Donovan en se laissant tomber sur le flanc. Pa'ce que je pense pas que ce cher Wilson soit très disposé à nous monter une collation.

Il s'étira, allongé de tout son long devant l'âtre. Les flammes dansante dispersaient leur lumière le long des murs de la chambre, étirant les ombres de tous les côtés, tel un théâtre fantasmagorique.
Yorwan ferma les yeux un instant, laissant la chaleur se répandre dans tout son corps.

- Ça te dérange si je dors ici cette nuit ? Demanda-t-il à mi-voix.